[BG] Synthaxe - Périples d'un Hobbit excentrique

Soleil levant

-Ta syntaxe n’est pas correcte Fid, tu t’exprimes encore à la manière d’un Nain dyslexique !
-Ma quoi ? Ma Syntax’ ?
De son côté, Synth s’était rapproché pour observer son comparse se faire sermonner pendant que lui se forçait à retenir des éclats de rires.
-Oui ! Ta syntaxe ! Reprit la mère de plus belle.
-C’est bizarre com’ mot, ça commence com’ l’prénom de Synth ! Et un mot qui commence com’ ça c’est forcément étrange !
Un sourcil de Synth se leva sous l’étonnement, le jeune Hobbit observa son comparse avec dédain :
-Tu serais pas en train d’insinuer que je suis bizarre par hasard hin ? Langue de Gob’ va !
-Toi t’parles bien p’t’être, mais perspicace t’l’es pas trop !
-Comment veux-tu être perspicace en essayant de déchiffrer ce que tu dis avec ta langue-de-Gob’ qui tourne les mots de tes phrases dans tous les sens !
La série d’insultes que se jetèrent les deux jeunes Hobbits aurait fait fuir le plus ancien des pires truands du Pays de Bree. Pourtant, ce sont des personnes bien plus dangereuses que des brigands qui les séparèrent avant qu’ils n’en arrivent immanquablement aux poings : Leurs mères respectives. Et hop ! Vas-y que je j’te l’attrape et que j’te le ramène à la maison en le traînant par les poils des pieds.
Oui, elles sont cruelles, très cruelles…
Pour en revenir à nos deux joyeux lurons, cet événement les avait voué à une rivalité réciproque. Fid avait créé une bande d’amis que le groupe de Synth nommait « Les Dislec’ de Langue-de-gob », et inversement Fid et ses comparses appelaient la bande à Synth « Les Bizar’ de Synthaxe ».
Ainsi, les batailles entre ces deux camps ravagèrent les Terres du Milieu. Euh, non, je m’égare, ceci est une autre histoire… Je disais donc : les batailles entre ces deux camps ravagèrent de nombreuses cabanes de bois construites çà et là dans les paisibles contrées de la Comté, se répercutant parfois jusque dans les chambres des dits combattants. Tout ceci prit une telle ampleur qu’il fut nécessaire aux Frontaliers d’y mettre un terme, les tentatives de leurs mères n’ayant apparemment plus aucun effet sur eux. Néanmoins, deux bonnes semaines dans les cachots calmèrent leurs ardeurs les plus féroces, et les deux camps furent contraints de signer un traité de paix qu’ils affirmaient provisoire. Pourtant leurs rancoeurs disparurent au fil des mois et ces incidents devinrent un simple souvenir, sauf pour deux Hobbits dont la plupart des Semi-Hommes de la Comté avaient oublié leurs noms initiaux : Synth et Fid étaient désormais appelés respectivement Synthaxe et Lang’de-bois, leurs surnoms ayant pris le dessus.


Les champignons venus d’ailleurs

Synth s’était souvent senti une âme d’aventurier. Il avait l’âge adulte lorsqu’un homme sombrement vêtu, rencontré aux abords de la Comté, lui proposa des « champignons qui faisaient voyager ». L’homme devait savoir que les Hobbits raffolaient de tourtes aux champignons, et il devait aussi savoir que certains étaient suffisamment naïfs pour leur faire croire que ces aliments permettaient de « voyager » au sens propre du terme. Et puis c’est qu’ils n’étaient pas donnés : À plus d’une pièce d’or le kilo, il devait se faire une sacrée fortune le bougre !
Néanmoins la curiosité l’emporta dans l’esprit de Synth, et il en prit tris exemplaires de la taille d’une main de Hobbit. Il goba le premier. Rien ne se passa.
-Remboursé ! dit-il en se retournant vers l’homme… Qui n’était plus là ! Que je brûle ! Ce voleur est parti ! Je suis bien le plus idiot des petites gens pour m’être fait avoir de la sorte !
Le Hobbit reparti en direction de son terrier qu’il avait acheté après de longues années de dur labeur. Cela faisait un peu plus d’une demi-heure qu’il marchait lorsqu’il aperçut un épouvantail sur le haut d’une colline, en plein milieu de mince chemin de terre qu’il suivait. -Tiens donc ! Voilà une drôle d’idée de mettre ça ici.
Sa vision devint floue un court instant avant de redevenir à peu près nette. L’épouvantail semblait bouger, ou plutôt… Marcher ! Le jeune Hobbit se gratta frénétiquement les yeux avant de les rouvrir, ayant du mal à croire ce qu’il voyait. Et pourtant, l’épouvantail marchait toujours, et dans sa direction. Prit entre la curiosité et la peur, Synth décida de se cacher sur le bord de la route pour regarder l’épouvantail qui passerait inévitablement devant lui. Il jeta un œil sur sa droite, sa vision devint à nouveau floue et ce qui était sensé être un petit talus commença à se mouvoir à la manière d’une vague s’échouant sur le bord de mer. Éberlué et prit d’un fou rire aussi incontrôlable qu’inattendu, le Semi-Homme commença à se rouler par terre dans une crise d’hilarité frénétique.
-Et bien Synthaxe ! vous allez bien ? Ou vous avez trop bu ? vous devriez faire attention avec l’alcool, je ne vous ai jamais vu trop y toucher et… Crédiou ! vos yeux l’ami ! Enfin vos pupilles plutôt ! Elles sont d’un noir plus noir que noir, et c’est peu dire ! Êtes-vous malade ? entre deux fous rires, le Hobbit observa l’épouvantail parler. Depuis quand une chose dénuée de vie pouvait marcher, parler avec lui, et de surcroît : connaître son surnom ! Il se leva tant bien que mal, évitant de regarder le talus de terre ondulant sur sa gauche. -C’est pas que je n’aime pas les épouvantails mais… Depuis quand pouvez-vous marcher ? Le visage de la « chose » semblait plus qu’étonné par la réponse de Synth, la paille sèche formant un rictus lui donnant un aspect malfaisant. Le Hobbit hésita, il semblait perdu au plus profond de son esprit. Puis, il recula d’un pas, comme effrayé par son interlocuteur. Normal, me direz-vous, les épouvantails vivants ne courent pas les rues, même dans les contes. Un autre pas à reculons s’ensuivit, puis, il prit une décision, et, de toutes ses forces il balança son point d’arrière en avant et percuta ce qui semblait être le nez de l’épouvantail. Dans cet élan d’excitation, il tomba à la renverse et se retrouva ventre à terre avant de perdre connaissance.

Ses rêves, ou plutôt ses cauchemars, furent d’une anormalité jamais égalée, son subconscient l’amenait de folie en folie, d’étrangetés en étrangetés. Heureusement tout sommeil à une fin. Lorsqu’il se réveilla, il était dans une banale cage faite de branches, pendue par une solide corde à un grand arbre à plus de deux mètres de hauteur de la rivière qui coulait à flots lents juste en dessous. Il déglutit et regarda s’il y avait quelqu’un à proximité. Son œil s’arrêta sur un groupe de frontaliers qui l’observaient d’un œil courroucé. Après avoir vérifié qu’il était tout ce qu’il y a de plus normal pour un Hobbit, ils le firent descendre par un système de cordage et le tirèrent jusqu’au bord du cours d’eau. Même libéré, les protecteurs de la Comté le regardaient avec des yeux emplis de soupçons. Synth sentit une douleur intense au crâne, il prit sa tête dans ses mains et cracha quelques jurons.
-Qu’est-ce qui s’est passé ? Dit-il simplement à l’adresse de ceux qui le surveillaient. Ces derniers s’esclaffèrent de rires, l’un d’eux, qui semblait être le plus vieux, prit la parole :
-Voilà c’qui arrive jeune Hobbit lorsque l’on mange des champignons qui ne viennent pas de la Comté ! On ne peut jamais être sûr de leur provenance ! Et encore, tu as eu de la chance pour cette fois, certains ont des effets mortels, ceux que tu à pris n’étaient que des déformateurs de visions.
Synth retrouva peu à peu la mémoire, et se rappela l’épouvantail, puis le talus… Un des Frontaliers s’avança face au Hobbit, son nez venait d’être recousu… C’est là que Synth fit le rapprochement : Il n’avait pas tapé un épouvantail, mais bel et bien un Frontalier ! Il fit un pas en arrière, près à esquiver à toutes jambes devant l’attente d’un coup de poing vengeur. Contre toute attente, le garde eut un simple sourire :
-Merci, ma femme me trouve magnifique maintenant que mon nez ne ressemble plus à une lance. Et elle a dit que la cicatrice me donnerait un air de dur, non négligeable d’après elle. Il serra la main de Synth, son nez laissant parfois tomber quelques gouttes de sang. Puis ils partirent, le laissant seul et lui prescrivant de se rendre chez lui, prendre un peu de repos. Il se dit que le Hobbit à qui il avait mis un coup de poing devait être un peu simplet pour avoir réagi de la sorte, mais ce n’était pas plus mal ainsi.
Il fouilla ses poches mais n’y trouva pas les deux autres champignons qui lui restait. Il avait bien rigolé quand même, il n’en aurait pas repris de suite, sûrement, mais pour une fête il n’y aurait pas craché dessus. Les Frontaliers s’en étaient probablement emparés pour les jeter dans la rivière. Dommage, au prix où il les avait payés !
Puis, il repensa au début de cette journée, ce qu’il voulait avant tout, c’était de l’aventure ! Et des aventures dans la Comté, ce n’était pas chose courante. Sur un coup de tête, il rentra chez lui et prépara ses affaires, certains qu’il oublierait la moitié de ce qui était nécessaire et en emporterait un quart qui se révèlerait totalement inutile…